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COMMENT ÇA VA?
VRAIMENT?

Laura Lee Ross, diplômée en design d’intérieur, PA LEEDMD, PA WELLMC, WELL Faculty, spécialiste du milieu de travail, directrice du marketing – Architecture et design, Sud de l’Alberta

Depuis quelques mois, je pose la question à mes amis et mes collègues, puis je laisse passer une seconde avant d’ajouter « Vraiment? ». J’obtiens souvent une réponse franche, qui va au-delà de l’habituel « Ça va bien! ». Ce n’est pas du tout scientifique comme étude, mais je remarque quand même que les réponses ressemblent plutôt à « bof », ou quelque chose s’en approchant. Quand je suis tombée sur un article publié par le psychologue organisationnel Adam Grant dans le New York Times, j’ai vu qu’il donnait un nom à ce sentiment; selon lui, après les événements éprouvants des dix-huit derniers mois, bien des gens languissent, un état qu’il décrit comme « l’impression d’avancer amorphe dans le quotidien, de voir sa vie à travers une fenêtre embuée ». « C’est peut-être l’émotion qui domine en 2021 », ajoute-t-il. Ce n’est pas vraiment de la dépression, mais ce n’est pas non plus un épanouissement; c’est quelque part entre les deux, une baisse de motivation et de concentration. Dans son article, Grant conclut que l’antidote pourrait se trouver dans un concept défini par Mihály Csíkszentmihályi en 1975, le « flux ». Le mot désigne la zone mentale dans laquelle on se trouve lorsqu’on est entièrement plongé dans une activité et qu’on se trouve dans un état maximal de concentration, de plein engagement et de satisfaction. Rien de plus éloigné du « bof »!

Cela m’a fait réfléchir à tous les articles et résultats de sondages que j’ai lus dernièrement sur le nombre record de travailleurs qui cherchent de nouvelles avenues. Par exemple, le Work Trend Index de Microsoft – un sondage mondial touchant plus de 30 000 personnes, dans 31 pays – montre que 40 % des répondants disent envisager de quitter leur emploi cette année. Nul besoin d’aller bien loin pour trouver ce genre d’information : LinkedIn a même inventé un mot-clic, #thebigshift, pour lancer la discussion sur cette idée. Les médias sociaux, qui parlent beaucoup de la nécessité de mettre au rancart son pantalon de jogging pour reprendre le combat quotidien avec le trafic, pourraient laisser croire que cette migration de masse des talents est éperonnée par la peur de retourner au bureau après une longue période de télétravail. Pour ma part, je crois que c’est plus profond que ça.

Tout au long de la pandémie, de nombreuses organisations se sont concentrées – avec raison – sur les mesures à prendre pour traverser la tourmente : maintenir l’entreprise à flot, gérer les outils numériques et virtuels nécessaires aux communications et assurer la sécurité physique des employés. D’un autre côté, pour nombre de travailleurs, il a surtout été question de mises à pied, de réduction des heures de travail, de gel d’embauche, le tout au détriment de l’avancement professionnel ou même du perfectionnement des compétences. L’éloignement physique et la nécessité de s’adapter à de nouvelles façons de faire, combinés à un sentiment d’incertitude accru et prolongé, ont laissé leur marque. Si on ajoute à tout cela la situation particulière de chacun et l’obligation de composer avec l’école à la maison, la solitude et l’anxiété, il n’est pas étonnant que le bien-être psychologique ait souffert. Selon le rapport de Gallup sur l’état du milieu de travail dans le monde en 2021, la prochaine crise mondiale pourrait bien être une pandémie de maladie mentale.

Mais pourquoi tant de gens cherchent-ils à changer d’emploi maintenant? Pour certains, l’annonce d’un retour au bureau à une date donnée y est peut-être pour quelque chose, mais cela va à l’encontre de nombreux résultats de sondage qui montrent que des travailleurs du monde entier souhaitent retrouver leurs collègues dans un lieu physique. À mon avis, la pierre d’achoppement réside plutôt dans le fait que les gens veulent pouvoir choisir leur lieu de travail de temps à autre, maintenant que le télétravail a fait ses preuves. C’est aussi une façon plus simple d’expliquer son désir de changement, plutôt que d’essayer d’exprimer le besoin de s’extirper d’un profond sentiment de « bof ». Je ne peux m’empêcher de penser que le mouvement représenté par #thebigshift est une façon de se sortir de cette langueur.

Comment les entreprises peuvent-elles éviter ces départs de masse? Comment peuvent-elles aider les employés qui restent à s’engager et à s’épanouir dans leur travail? Peut-être en cherchant à comprendre vraiment comment ils vont en ce moment, en conversant avec eux plutôt que de simplement leur envoyer des communications, en leur demandant « comment ça va? » et en écoutant la réponse, en priorisant leur bien-être et leur santé mentale… et peut-être aussi en les aidant à retrouver le « flux ».

Laura Lee Ross

diplômée en design d’intérieur, PA LEEDMD, PA WELLMC, WELL Faculty, spécialiste du milieu de travail, directrice du marketing – Architecture et design, Sud de l’Alberta